Page:Condorcet - Réflexions sur l’esclavage des nègres, 1781.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
sur l’esclavage des Negres

néceſſaires, ſe réduit à dire : Les Blancs ſont avares, ivrognes & crapuleux, donc les Noirs doivent être eſclaves.

Mais ſuppoſons que les Negres ſoient néceſſaires, il ne ſ’enſuivroit pas qu’il fût néceſſaire d’employer des Negres eſclaves. Auſſi on établit ſur deux autres raiſons cette prétendue néceſſité. La premiere ſe tire de la pareſſe des Negres, qui ayant peu de beſoins, & vivant de peu, ne travailleroient que pour gagner l’étroit néceſſaire ; c’eſt-à-dire en d’autres termes, que l’avarice des Blancs étant beaucoup plus grande que celle des Negres, il faut rouer de coups ceux-ci pour ſatiſfaire les vices des autres. Cette raiſon d’ailleurs eſt fauſſe. Les hommes après avoir travaillé pour la ſubſiſtance, travaillent pour l’aiſance lorſqu’ils peuvent y prétendre. Il n’y a de peuples vraiment pareſſeux dans les nations civiliſées, que ceux qui ſont gouvernés de maniere qu’il n’y auroit rien à gagner pour eux en travaillant davantage. Ce n’eſt ni au climat, ni au terrein, ni à la conſtitution phyſique, ni à l’eſprit national qu’il faut attribuer la pareſſe de certains peuples ; c’eſt aux mauvaiſes loix