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sur l’esclavage des Negres

un crime en l’achetant, ſi c’eſt pour le revendre ou le réduire en eſclavage. C’eſt préciſément l’action d’un homme qui, après avoir ſauvé un malheureux pourſuivi par des aſſaſſins, le voleroit : ou bien ſi on ſuppoſe que les Européens ont déterminé les Africains à ne plus tuer leurs priſonniers, ce ſeroit l’action d’un homme qui ſeroit parvenu à dégouter des brigands d’aſſaſſiner les paſſans, & les auroit engagés à ſe contenter de les voler avec lui. Diroit-on dans l’une ou dans l’autres de ces ſuppoſitions, que cet homme n’eſt pas un voleur ? Un homme qui, pour en ſauver un autre de la mort, donneroit de ſon néceſſaire, ſeroit ſans doute en droit d’exiger un dédommagement ; il pourroit acquerir un droit ſur le bien & même ſur le travail de celui qu’il a ſauvé, en prélevant cependant ce qui eſt néceſſaire à la ſubſiſtance de l’obligé : mais il ne pourroit ſans injuſtice le réduire à l’eſclavage. On peut acquerir des droits ſur la propriété future d’un autre homme, mais jamais ſur ſa perſonne. Un homme peut avoir le droit d’en forcer un autre à travailler pour lui, mais non pas de le forcer à lui obéir.

3.o L’excuſe alléguée eſt d’autant moins