Page:Condorcet - Réflexions sur l’esclavage des nègres, 1781.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
Réflexions

comme c’étoit, dit-on, autrefois l’uſage chez une horde de voleurs orientaux, mais même les filles non mariées, ce qui n’a jamais été rapporté d’aucun peuple. Quoi ! ſi nous n’allions pas chercher des Negres en Afrique, les Africains tueroient les eſclaves qu’ils deſtinent maintenant à être vendus. Chacun des deux partis aimeroit mieux aſſommer ſes prisonniers que de les échanger ! Pour croire des faits invraiſemblables, il faut des témoignages reſpectables, & nous n’avons ici que ceux des gens employés au commerce des Negres. Je n’ai jamais eu l’occaſion de les fréquenter, mais il y avoit chez les Romains des hommes livrés au même commerce, & leur nom eſt encore une injure[1].

2.o En ſuppoſant qu’on ſauve la vie du Negre qu’on achete, on ne commet pas moins

  1. Le nom ne ſignifioit d’abord que marchand d’eſclaves, mais comme ces marchands vendoient de belles eſclaves aux voluptueux de Rome, leur nom prit une autre ſignification. C’eſt là une ſuite néceſſaire du métier de marchand d’eſclaves ; auſſi, même dans les pays aſſez barbares pour que cette profeſſion ne fut point regardée comme criminelle, elle a toujours été infâme dans l’opinion.