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Réflexions

C’eſt ſur-tout pour ces pays où la vérité eſt captive que j’ai écrit cet ouvrage, & je l’ai écrit dans une langue étrangere pour moi, mais que les ouvrages des poëtes & des philoſophes François a rendu la langue de l’Europe. Cette protection accordée à l’avarice, contre les Negres, qui eſt en Angleterre & en Hollande, l’effet de la corruption générale de ces nations, n’a pour cauſe, en Espagne & en France, que les préjugés du public, & la ſurpriſe faite aux gouvernemens que l’on trompe également, & ſur la néceſſité de l’eſclavage, & ſur la prétendue importance politique des colonies à ſucre. Un écrit fait par un étranger peut ſur-tout être utile pour la France. Il ne ſera pas ſi facile d’en détruire l’effet d’un ſeul mot, en disant, qu’il eſt l’ouvrage d’un philoſophe. Ce nom, ſi reſpectable ailleurs, eſt devenu une injure dans cette nation, & de combien de choſes auſſi n’y accuse-t-on pas les philoſophes ? Si quelques écrivains ſe ſont élevés contre l’eſclavage des Negres, ce ſont des philoſophes, a-t-on dit, & on a cru leur avoir répondu. A-t-on propoſé d’abolir l’uſage dégoutant & meurtrier de paver de

morts