Page:Condorcet - Lettre d'un laboureur de Picardie, à M. N, auteur prohibitif, à Paris.pdf/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(48)

Le pauvre fermier était chargé par ſon bail des frais de juſtice, & il lui en coûta mille écus pour un arrêt, qui condamna à mort deux incendiaires : malheureuſement on découvrir ſix ſemaines après l’exécution qu’ils étaient innocens, & que les Juges s’étaient trompés parce qu’ils avaient ſuivi trop ſcrupuleuſement l’Ordonnance de 1670 qui, come on fait, eſt exactement calquée ſur la procédure ſecrete de l’Inquiſition : cet accident affligea notre laboureur, plus que toutes ſes pertes.

Il commençait à ſe rétablir, lorſqu’une grêle détruiſit ſes moiſſons ; il lui reſtait quelques épargnes : il avait recueilli beaucoup de feves & de légumes de cette eſpèce, & il eſpérait donc ſe retirer de ſon malheur. Mais nous étions alors dans le tems le plus floriſſant du regne prohibitif. Il s’aviſa de vouloir exporter ſes feves pour en tirer plus d’argent : elles furent confiſquées & pour ſe les faire rendre, il lui en coûta plus que leur valeur. Come il n’avait pas recueilli de bled, il en acheta d’un de ſes