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n’aimaient pas la phyſique, lui firent un procès, & il aurait été condamné aux galeres, s’il ne lui fût reſté de l’argent & quelques protections.

L’année d’après, il reçut un ſoir la lettre ſuivante :

« Monſieur, je me mocque des loix de propriété parce que je ne poſſede rien, & des loix de juſtice parce que je n’ai rien à défendre ; vous avez droit de recueillir le bled que vous avez ſemé, moi j’ai droit de vivre : vos titres ſont chez un Notaire, mais mon eſtomac eſt ma patente : & ſi vous ne dépoſez pas cent écus demain au premier chêne à gauche en entrant dans le bois par le grand chemin votre ferme ſera brûlée après demain. »

Come notre fermier quelque choſe d’extraordinaire dans l’eſprit, il ne crut pas qu’on pût raiſonner ainſi ſérieuſement ; il ne prit cet argument que pour une mauvaiſe plaiſanterie, & ne ſongea point à prendre de précaution : il fût incendié, pas une gerbe n’échappa : la Juſtice rechercha les coupables.