Page:Condorcet - Lettre d'un laboureur de Picardie, à M. N, auteur prohibitif, à Paris.pdf/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(46)

Ses parens avaient fait une grande fortune : quand ils furent raſſafiés d’argent, ils devinrent avides de diſtinctions : ils voulaient que leur fils ainé fût un grand Seigneur, & obliger en conſéquence leur cadet à étudier pour être Prêtre. À peine fût-il Sous-Diacre, qu’il devint malheureuſement amoureux de la couſine germaine : elle était jolie, pleine de ſenſibilité, d’eſprit & de raiſon : mais come ſa branche était demeurée pauvre, jamais les parens ne voulurent conſentir à un mariage ſi inégal, & en mourant, ils réduiſirent à la légitime le Sous-Diacre qui n’avait pas voulu devenir Prêtre.

Sa fortune était encore honnête, mais il en dépenſa la plus grande partie pour obtenir de Rome la double permiſſion dont il avait beſoin pour aimer ſa couſine ſans péché. Il ſe réduiſit ſans peine à mener avec ſa femme, la vie de fermier mais s’étant aviſé de vouloir faire quelques expériences fur l’eau de la mer & ſur la Nicotiane, les fermiers généraux, qui dans ce tems la