Page:Condorcet - Lettre d'un laboureur de Picardie, à M. N, auteur prohibitif, à Paris.pdf/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(27)

peuple perdait ſes préjugés ſur le commerce de bled, il pourrait s’éclairer en même-tems ſur d’autres objets.

Croyez-vous, Monſieur, qu’il ſerait dangereux de ſouffrir que le peuple ſortit de ſon ignorance ?

Croyez-vous que l’home devienne méchant en s’éclairant ?

Croyez-vous que les voleurs de grand chemin ſoient d’habiles raiſonneurs, & qui leur ait fallu de grandes lumieres pour trouver les raiſons ſur leſquelles ils fondent leurs réclamations contre la propriété & les loix ?[1]

Ou ſeulement avez-vous prétendu avertir charitablement les riches, que ſi le peuple s’éclaire, il ſaura mieux ſe ſoutenir contre l’oppreſſion & contre la ruſe ? Et qu’ainſi il vaut mieux pour les riches laiſſer le peuple piller les marchands de bled, que de riſquer

  1. Note de l’Éditeur. Voici ce qui a pu induire en erreur ſur cet article. Ces maximes quoique très-connues dans les bois, ſont devenues très rares dans les livres, depuis qu’on brûlé ceux des Docteurs Jéſuites, ainſi toutes les fois qu’on les y trouve, elles ont un air de nouveauté & de paradoxe qui ſéduit les lecteurs, & la vanité de paſſer pour des homes idées neuves, ſéduit les auteurs.