Page:Condorcet - Lettre d'un laboureur de Picardie, à M. N, auteur prohibitif, à Paris.pdf/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(23)

ture différente, que leur grandeur eſt une magie qui nous en impoſe : Ah, Monſieur, que nous ſommes éloignés de ces idées : nous voyons paſſer quelquefois de ces riches faſtueux, & ce n’eſt point du reſpect qu’ils nous inſpirent : nous ſavons combien les mêtiers qui les ont enrichis ſont moins nobles que les métiers utiles qui nous donnent à peine de quoi vivre. Nous ſentons que ſi leur argent leur donne la facilité d’acheter des jouiſſances dont nous ſommes privés, il ne leur donne aucun droit d’obtenir ſur nous des diſtinctions ou des préférences ; & l’home en place, le grand Seigneur qui leur accorde ces diſtinctions s’arrête-t-il à nos yeux, nous le regardons come un vil eſclave de l’or.

Nous payons avec joie la dixme deſtinée à l’entretien des Paſteurs, chargés de nous inſtruire & de nous conſoler : mais nous ſavons trouver très-injuſte que nos Paſteurs, ſoient réduits à partager notre pauvreté, tandis que nos dixmes ſont conſommées par des Abbés & des Moines qui, heureuſement pour