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pour affaiblir ſes préjugés, en attendant qu’une éducation plus raiſonnable, qu’il ſerait ſi aiſé & ſi utile de procurer à ce peuple, vienne préſerver la génération naiſſante de toute erreur funeſte.

J’ai vu quelquefois ce pauvre peuple s’échauffer pour le bled ! Eh bien, dans nos villages, où tout le monde ſe connait, j’ai remarqué que ce n’étaient pas les plus malheureux, mais les plus deshonorés, qu’on voyait à la tête des ſéditions : ceux qui les ſuivaient étaient entraînés, non par la faim, mais par une fureur qu’on leur avait ſuggérée. Un home qui aurait faim enlevrait du pain, de la farine, du bled même, il le porterait dans ſa chaumiere, il ſe hâterait d’en préparer la nourriture néceſſaire au ſoutien de ſa vie.

Au lieu de cela, tantôt ils pillaient les meubles d’un marchand de bled, parce qu’on leur avait dit que ce marchand ne vendrait de bled que lorſqu’il vaudrait 60 francs le ſeptier. Tantôt ils détruiſaient un moulin économique, dont le propriétaire