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qui ne ſont pas un encouragement pour l’agriculture.

Enfin, Monſieur, je ne vois rien dans tout cela qui tende à ſoulager le peuple. Vous propoſez de ne faire cette loi que pour je trouve que c’eſt beaucoup trop encore : mais laiſſez-nous d’abord eſſayer de la liberté auſſi pendant dix ans.

Oh cela eſt fort différent, direz-vous, parce que le peuple eſt une eſpèce d’animal très-patient, mais qui au moindre bruit de cherté devient furieux : le ſeul mot de prohibition, de loi contre les marchands de bled, lui rend la raiſon & le calme. Voilà le véritable fondement des loix prohibitives : car après tout on doit reſpecter la faibleſſe de ce pauvre peuple qui eſt diſpoſé à tout ſouffrir, pourvu qu’on ſonge à lui donner du pain. S’il n’avait pas de préjugé contre la liberté, ce ſyſtême en vaudrait bien un autre : mais les préjugés du peuple ſur cet objet ſont abſolument incurables. N’eſt-ce pas à-peu-près, Monſieur, ce que vous avez voulu dire, dans ce que j’ai pu enten-