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avanies faites au hazard à quelques marchands de bled : cela pourra divertir le peuple, mais je ne vois point encore de ſoulagement réel.

Secondement, vous ne voulez pas qu’on achête au marché pour revendre ſans deſtination. D’abord la néceſſité de déclarer au greffe quelle eſt la deſtination du bled qu’on a acheté, ſuffira pour dégoûter de ce commerce. D’ailleurs faudra-t-il que la deſtination ſoit pour 20, pour 10, pour 2 lieues ſeulement de l’endroit du marché ? Sera-t-on tenu de revendre ou de faire ſortir le bled dans la huitaine ou dans la quinzaine ? S’il vient à augmenter au lieu de l’achat, ne rendra-t-on pas à ceux qui ont acheté avec une deſtination éloignée, le droit de revendre ſur le même lieu ? Cette partie de votre loi ne ſerait-t-elle pas alors abſolument illuſoire ? Dans le tems de cherté, preſque tout le bled eſt entre les mains des marchands & des propriétaires riches : preſque tout eſt dans les villes. Les habitans des campagnes ne peuvent commodément