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elle, ne peuvent avoir que la force qui naît de la confiance du peuple et de son respect pour la loi. Quand l’égalité règne il faut bien peu de force pour forcer les individus à l’obéissance, et l’intérêt de toutes les parties de l’empire est qu’aucune d’elles ne se soustroient à l’exécution des loix que les autres ont reconnues.

On parle toujours comme au tems, où des associations puissantes donnoient à leurs membres l’odieux privilege de violer les loix, comme au tems où il étoit indifférent à la Bretagne, que la Picardie payât ou non les impôts. Alors sans doute il falloit une grande force aux chefs du pouvoir exécutif, alors nous avons vû que même celle du despotisme armé ne lui suffisoit pas.

Il a existé des abus, des dangers contre lesquels l’existence d’un roi étoit utile et sans cela y auroit-il jamais eu des rois ? Les institutions humaines les plus vicieuses sont-elles autre chose que des remèdes et mal adroitement appliqués à des maux imaginaires ou réels ? Croit-on que les hommes se soient jamais faits du mal pour le plaisir de le souffrir. Croit-on que leur soumission toujours volontaire dans l’origine n’ait pas toujours eu pour motif une utilité présente bien ou mal entendue ?

C’est au contraire l’existence d’un chef héréditaire qui ôte au pouvoir exécutif toute sa force utile en armant contre lui la défiance des amis de la liberté, en obligeant à lui donner des entraves qui embarrassent et retardent ses mouvemens. La force que l’existence d’un roi donneroit au pouvoir exécutif ne seroit au contraire que honteuse et nuisible, elle ne pourroit être que celle de la corruption.

Nous ne sommes plus au tems ou l’on osoit compter parmi les moyens d’assurer la puissance des loix, cette superstition impie qui faisoit d’un homme une espèce de divinité. Sans doute nous ne croyons plus qu’il faut pour gouverner les hommes frapper leur imagination par un faste puérile, et que le peuple sera tenté de mépriser les loix