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sur ce qui à été fait, etc.

quelque sorte, serait-il utile d’en faire l’objet d’un décret particulier, dans lequel ou flétrirait cette manœuvre aux yeux du peuple, en la chargeant des qualifications odieuses dont elle est digne.

5o L’état des subsistances est enfin une des principales causes de l’anarchie actuelle, et elle mérite d’être développée en détail. L’arrêt du conseil qui, en septembre 1788, ordonna, en défendant l’exportation, de ne vendre qu’au marché, pour éviter les accaparements, est la première source du mal. Cette loi est absurde en elle-même, puisqu’elle n’a d’autre effet que de multiplier inutilement les transports d’une denrée dont la valeur, relativement à son poids, est très-petite ; de provoquer le tumulte en rassemblant les vendeurs et les acheteurs en plus grand nombre ; de gêner le commerce ; enfin, de faire croire à chaque ville de marché qu’elle a un droit particulier sur les blés de son arrondissement.

Il est de plus très-imprudent d’annoncer la crainte des accaparements, même quand on les supposerait réellement à craindre : le peuple ne pouvant avoir d’idée juste de la consommation d’un pays, prend pour autant d’accapareurs le boulanger ou le meunier qui a fait une modique provision, le marchand qui a formé une spéculation de quelques mille livres : ainsi, du moment où il est frappé de cette idée, la crainte de sa fureur suspend tout commerce. Les mesures qui ont suivi cet arrêt du conseil n’étaient pas moins maladroites : en proclamant avec faste les soins qu’on avait pris pour faire venir des subsistances du dehors, on a augmenté l’idée du