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sentiments d’un républicain

vinces, en les convoquant par ordres séparés, en se hâtant de les assembler avant que les assemblées provinciales aient pu gagner la confiance, avant que le peuple ait pu être instruit de ses intérêts, avant que le gouvernement ait pu préparer des plans de réforme pour les impôts, pour la justice, etc., on se procurerait une assemblée tumultueuse, peu éclairée, à laquelle on persuaderait que les assemblées provinciales sont inconstitutionnelles, qu’elles seraient un prétexte pour empêcher de fréquentes tenues d’états généraux. Alors ces assemblées, si effrayantes pour l’aristocratie, pouvaient être sacrifiées, et au milieu du trouble, on aurait eu une espérance assez fondée de conserver encore l’ancienne anarchie, pour laquelle des états généraux, convoqués sous cette forme, ne devaient point paraître bien redoutables.

Qu’on ne dise point que ces cris étaient nécessaires pour obtenir les états généraux : une assemblée nationale devenait une suite inévitable des assemblées de province, dans un moment où l’état des finances nécessite des mesures dont le vœu de la nation peut seul assurer le succès ; où l’impossibilité d’espérer une liquidation de dettes sans une baisse dans le taux de l’intérêt des emprunts, oblige à recourir au seul moyen d’inspirer une confiance étendue et durable ; où enfin cette même subvention territoriale, si odieuse à vos prétendus amis du peuple, aurait nécessité, pour la distribuer entre les provinces, une discussion contradictoire entre leurs députés.

Mais plus on a de justes raisons de soupçonner, dans le désir pour une convocation précipitée des