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lettres d’un citoyen

nelles, ainsi que pour leurs grandes affaires de propriétés, il en résulterait, entre ces tribunaux et vos deux ordres, une sorte de liaison très-propre à augmenter la force de l’aristocratie.

C’est un second vice particulier de la nouvelle forme, qu’un même tribunal divisé en deux chambres, qui, alternant entre elles, sont à la fois juges en première et en dernière instance. Les inconvénients de cette institution sont si frappants, qu’on ne peut même croire que les auteurs de la loi aient eu une autre intention que celle de faciliter la première formation des nouveaux tribunaux, en se réservant de corriger dans la suite une constitution si dangereuse.

Tels sont, suivant moi, les principaux vices du nouvel établissement ; vices qui sont d’ailleurs compensés en grande partie par l’avantage d’une justice plus prompte, plus prochaine, moins dispendieuse, et pour lesquels les lois humaines et justes qui ont accompagné ce changement, pourraient obtenir de l’indulgence ; défauts d’ailleurs bien moindres que ceux qui, communs aux deux formes de tribunaux, subsistent encore, et ont pour zélés apologistes les ennemis des nouvelles lois. Ce n’est donc ni le patriotisme, ni la raison qui ont pu enfanter cette ridicule note d’infamie attachée au crime d’occuper une place dans un grand bailliage ; c’est unique nient à l’esprit de corps dans les uns, à l’esprit aristocratique dans les autres, à la crainte dans le reste, qu’on doit attribuer l’espèce de fureur avec laquelle ce changement a été accueilli.