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d’amérique sur l’europe.

aucun attrait d’ambition qui puisse éloigner ces hommes du désir, si naturel, de perfectionner leur esprit, de l’employer à des recherches utiles, d’ambitionner la gloire qui accompagne les grands travaux ou les découvertes, et rien n’y retient une partie de l’espèce humaine dans une abjection qui la dévoue à la stupidité, comme à la misère. Il y a donc lieu d’espérer que l’Amérique, d’ici à quelques générations, en produisant presque autant d’hommes occupés d’ajouter à la masse des connaissances que l’Europe entière, en doublera au moins les progrès, les rendra au moins deux fois plus rapides. Ces progrès embrasseront également les arts utiles et les sciences spéculatives.

Or, on doit mettre le bien qui en peut résulter pour l’humanité, au nombre des effets de la révolution. La dépendance de la mère patrie n’eût pas, sans doute, éteint le génie naturel des Américains, et M. Franklin en est la preuve. Mais elle eût presque toujours détourné ce génie vers d’autres objets ; le désir d’être quelque chose en Angleterre eût étouffé tout autre sentiment dans l’âme d’un Américain né avec de l’activité et des talents, et il eût choisi les moyens les plus prompts et les plus sûrs d’y parvenir. Ceux qui n’auraient pu nourrir cette ambition seraient tombés dans le découragement et dans l’indolence.

Les États gouvernés par des princes qui règnent loin d’eux, les provinces des grands empires, trop éloignées de la capitale, nous offriraient des preuves frappantes de cette assertion, et nous les dévelop-