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l’influence de la révolution

faveur de la puissance qu’ils favoriseront ; ils ont, en même temps, plus de facilité que les nations européennes pour les conquérir et les garder. D’ailleurs, les habitants de ces îles, assez indifférents sur le nom de la puissance à laquelle ils appartiennent, parce qu’ils sont moins de véritables propriétaires attachés au sol de leur patrie que des entrepreneurs de manufactures, seraient disposés à s’unir à un peuple qui, dédaignant de commander à des sujets, ne veut avoir que des concitoyens, et pour qui conquérir ne peut être qu’admettre les vainqueurs à partager son indépendance et sa liberté. Sans doute il peut arriver que les colons anglais, français, espagnols, craignent l’arrivée des Américains dans leurs possessions, plus qu’ils ne la désirent, si les Américains proscrivent chez eux l’esclavage des noirs, et que les puissances européennes aient la barbarie et la mauvaise politique de le conserver. Mais alors les Américains n’en seraient que plus sûrs du succès, puisqu’ils auraient, en arrivant dans chaque île, des partisans nombreux, animés de tout le courage que peuvent donner la vengeance et l’espoir de la liberté.

Ainsi, du moment où les États-Unis auront réparé les maux au prix desquels ils ont acheté leur indépendance, aucune nation de l’Europe ne pourrait, sans imprudence, entreprendre une guerre dans des mers où elle serait exposée à tout perdre, si elle avait les États-Unis pour ennemis, et à se mettre dans leur dépendance, si elle les avait pour amis.

La possession des Antilles aurait été absolument précaire dans très-peu de temps, dès aujourd’hui peut-