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l’influence de la révolution

et l’Angleterre réunies. Je ne regarderais pas la perte des îles à sucre en elle-même comme un très-grand malheur pour la France. Le produit de ces îles, diminué des frais de culture, des dépenses d’administration et de défense, n’ajoute qu’une très-petite somme au produit total du territoire de la France, et ces possessions si difficiles à défendre, diminuent plutôt qu’elles n’augmentent la puissance nationale. Mais il n’en serait pas de même dans les cas où l’on pourrait craindre qu’une nation, peu éclairée sur les vrais intérêts de son propre commerce, ne permît à des négociants riches et avides d’exercer un monopole sur les étrangers ; monopole dont cette nation elle-même, et surtout les négociants peu riches, sentiraient aussi le poids. Dans cette hypothèse, l’intérêt de chaque nation consommatrice serait d’avoir un moyen de se procurer, au moins en partie, des denrées devenues nécessaires, sans dépendre du caprice des autres nations. C’est sous ce point de vue que la possession des colonies dans les Antilles est vraiment importante pour les nations européennes. Les principes généraux de l’économie politique sont prouvés d’une manière rigoureuse, ils ne sont sujets à aucune exception réelle. Si on ne peut les suivre dans la pratique, en étendre les conséquences à tous les cas particuliers, c’est uniquement parce qu’une grande partie des hommes se laissent guider par des préjugés contraires à ces principes ; ainsi, ces exceptions apparentes ne servent qu’à les conserver davantage. Dans la supposition que nous considérons, les conséquences de la perte