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d’amérique sur l’europe.

l’étranger, sa richesse repousse le pauvre ; il reste peu de place sur un sol où le commerce, les manufactures ont multiplié les hommes. Son climat ne convient même qu’aux peuples d’une petite partie de l’Europe. L’Amérique, au contraire, offre à l’industrie des espérances séduisantes ; le pauvre y trouve une subsistance facile : une propriété assurée, suffisante à ses besoins, peut y devenir le prix de son travail. Un climat plus varié convient aux hommes de tous les pays.

Mais en même temps l’Amérique est séparée des peuples de l’Europe par une vaste étendue de mer. Il faut d’autres motifs pour engager à la traverser, qu’un simple désir d’augmenter son bien-être. L’opprimé seul peut avoir la volonté de franchir cet obstacle : ainsi l’Europe, sans avoir à craindre de grandes émigrations, trouve dans l’Amérique un frein utile pour les ministres qui seraient tentés de trop mal gouverner. L’oppression doit y devenir plus timide, lorsqu’elle saura qu’il reste un asile à celui qu’elle aurait marqué pour sa victime, et qu’il peut, à la fois, lui échapper et la punir en la forçant de se présenter avec lui au tribunal de l’opinion.

La liberté de la presse est établie en Amérique, et l’on y a regardé avec une juste raison le droit de dire et celui d’entendre les vérités qu’on croit utiles, comme un des droits les plus sacrés de l’humanité.

Dans un pays où le saule serait un arbre sacré, et où il serait défendu, sous peine de la vie, d’en rompre une branche pour sauver un homme qui se noie, dirait-on que la loi ne porte aucune atteinte ni