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l’influence de la révolution

plus, a traversé l’Océan pour venir nous offrir son secours, dans les temps les plus critiques de la révolution, est bien suffisante pour nous faire rougir de notre répugnance à vouloir admettre les jeunes gens dans les emplois de la république.

Parmi les jeunes Américains que je connais, je pourrais en nommer un grand nombre qui justifient mon sentiment, si diverses considérations ne m’en empêchaient.

Les lois partiales, si elles ne donnent pas naissance aux préjugés, au moins les fortifient et les augmentent : partout où l’opinion rabaisse ou décourage la jeunesse, on ne doit point s’étonner qu’elle manque d’émulation, défaut qu’on attribue d’ordinaire à l’âge, avec la même injustice qui fait regarder comme des défauts naturels dans les femmes, les fruits d’une fausse éducation.

La prévention, favorable à l’âge avancé, ne porte que trop souvent à préférer, a des jeunes gens de beaucoup de mérite, des hommes médiocres, et même un assez grand nombre qui doivent le respect et l’estime qu’on leur témoigne, à un certain ton de gravité soutenu par un abord sévère.

Personne, en général, ne se sent enclin à préférer un jeune homme, à moins qu’il n’ait un mérite transcendant. Pourquoi donc faire sur cet objet une loi injuste qui peut nuire au bien public, et dont l’inutilité doit être avouée, même par ses plus zélés défenseurs ? La crainte que les gens d’un âge mûr ont de la jeunesse doit provenir, ou de l’amour propre qui souvent agit involontairement, ou d’une