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on peut ajouter l’espérance de souscriptions que le zèle peut offrir. Sans s’écarter des principes qui s’opposent à l’éternité des fondations particulières, il est possible d’accorder aux souscripteurs la satisfaction de diriger et de déterminer jusqu’à un certain point l’emploi de ce qu’ils peuvent offrir. Cette liberté serait même alors un moyen de corriger les erreurs dans lesquelles les agents de la puissance publique pourraient tomber. Par exemple, en recevant les livres quels qu’ils fussent, ainsi que les objets destinés à être placés dans les cabinets, on pourrait suppléer à ce que les préjugés ou les systèmes de ces agents en auraient écarté. La puissance publique n’est ici que l’organe de la raison commune ; elle doit tout pouvoir contre l’opinion incertaine, partagée, chancelante ; mais il faut que l’opinion générale puisse agir indépendamment d’elle, et les moyens que nous avons proposés, faibles tant que cette opinion n’existe pas, deviendront suffisants si elle est une fois prononcée. Supposons, par exemple, que des bibliothèques semblables eussent existé il y a dix ans, et que les livres donnés par les particuliers n’eussent pu être rejetés, le gouvernement y aurait envoyé les discours sur l’histoire de France, les œuvres de Bergier, les veillées du château ; mais les zélateurs de la vérité y auraient placé les ouvrages de Rousseau et de Voltaire, et la puissance publique n’aurait pu retarder les progrès de la raison.

On peut de même, sans nuire à l’uniformité, à l’égalité de l’instruction, permettre ou l’établissement d’enseignements particuliers, ou celui de quelques