Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 5.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
Vie de M. Turgot.

La vertu bien connue de M, Turgot fut alors le salut des malheureux. Comme il n’avait jamais rien demandé pour lui-même, il obtint aisément ce qu’il demandait pour sa province ; et le ministre ne pouvait pas refuser de croire ces secours nécessaires, quand il apprenait, par la voix publique, que l’intendant ne les sollicitait qu’après avoir soulagé le peuple, en lui distribuant et ses revenus et des emprunts faits sous son propre nom.

Quelque temps après qu’une expérience si heureuse eut confirmé M. Turgot dans ses principes, le ministre des finances consulta les intendants du royaume sur la législation du commerce des blés.

Cette matière semblait être épuisée dans un grand nombre de bons ouvrages ; mais dans sept lettres très-étendues, où M. Turgot crut devoir développer son avis, la question se trouve traitée d’après des principes plus approfondis et des vues plus vastes. Il y prouve que la liberté du commerce des grains est utile pour en augmenter la reproduction, en augmentant l’intérêt et les moyens d’étendre et de perfectionner la culture ; que le maintien de la liberté est encore le seul moyen, soit de faire naître un commerce constant, qui répare les disettes locales et prépare des ressources dans les années malheureuses, soit de faire baisser le prix moyen du blé et d’en diminuer les variations, objet plus important encore ; car c’est sur ce prix moyen des subsistances que se règle le prix des salaires et celui de la plupart des denrées ; en sorte que, partout où ces variations ne sont pas très-grandes, les salaires