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Vie de M. Turgot.

funeste de couvrir ses fautes aux dépens des sueurs et du sang des misérables, alors on ne pourra s’empêcher de voir dans la corvée une des servitudes les plus cruelles et un des impôts les plus onéreux auxquels un peuple puisse être condamné. Cet impôt portait d’ailleurs directement sur le pauvre. Puisque l’on avait adopté le principe d’exiger le travail en nature, on n’avait pu y assujettir que ceux qui pouvaient travailler ; et il était arrivé qu’un impôt nouveau, pour lequel aucun usage ancien, aucun privilège ne pouvait réclamer d’exemption, était devenu, par sa nature même, un de ceux pour lequel les exemptions étaient le plus étendues.

M. Turgot proposa au communautés voisines des grandes routes de faire exécuter à prix d’argent les travaux auxquels elles pouvaient être assujetties : elles levaient la somme à laquelle montait l’adjudication du chemin, proportionnellement à l’imposition de leur taille ; mais elles recevaient une diminution d’imposition égale à la somme avancée ; diminution qui était ensuite répartie sur toutes les paroisses, comme celles qu’on est obligé d’accorder pour des pertes accidentelles. L’entretien des routes se faisait de même par de petites adjudications partielles. Cet entretien journalier coûtait beaucoup moins, et prévenait bien plus sûrement la dégradation des chemins, que des corvées qui ne peuvent se faire que deux fois l’année tout au plus, et dont les travaux ne peuvent être exécutés avec la même intelligence. La première construction était à la fois, et plus économique et plus solide. Le magistrat avait éclairé les ingénieurs