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Vie de M. turgot.

l’ombre même d’une ulilité éloignée, il sentait qu’il n’avait pu acquérir d’expérience, et il ne se croyait pas permis d’achever son instruction aux dépens de la province qui serait confiée à ses soins. Il demanda donc à M. de la Michaudière, dont il connaissait la probité et l’arnour du bien public, la permission de l’accompagner dans les tournées qu’il faisait dans son intendance, de l’aider dans son travail, et d’acquérir sous ses yeux les connaissances pratiques qui lui manquaient, que la théorie ne pouvait lui donner, mais dont elle facilite l’acquisition, et qu’elle seule peut rendre sûres et vraiment utiles.

En 1761, il fut nommé à l’intendance de Limoges.

L’autorité directe d’un intendant a peu d’étendue : des ordres de détail pour l’exécution des ordres généraux qu’il reçoit du ministère, la décision provisoire de quelques affaires, le jugement de quelques procès de finance ou de commerce, dont l’appel est porté au conseil : telles sont, pour ainsi dire, toutes les fonctions d’un intendant. Mais il est l’homme du gouvernement, il en possède la confiance ; le gouvernement ne voit que par ses yeux, n’agit que par lui ; c’est sur les comptes qu’il a rendus, sur les informations qu’il a prises, sur les mémoires qu’il a envoyés, que les ministres décident toutes les affaires ; et cela dans un pays où le gouvernement réunit tous les pouvoirs, où une législation défectueuse dans toutes ses parties l’oblige de peser sur tout et d’agir sans cesse. Peut-être serait-il à désirer que l’autorité publique de ces magistrats fût plus grande, et que leur influence secrète fût moins puissante : alors ils