Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 5.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
Vie de M. turgot.

expérience de ce citoyen éclairé et vertueux ; et déjà convaincu qu’une liberté entière et absolue était la seule loi de commerce utile et même juste, il apprit de M. de Gournai à connaître dans les détails tous les avantages de cette liberté, tous les inconvénients des prohibitions, à résoudre les objections produites par l’ignorance des principes qui dirigent les spéculations de commerce, et celles qui ont leur source dans les préjugés des négociants eux-mêmes, ou plutôt dans l’intérêt des négociants accrédités. Car eux seuls aiment les règlements, par la raison que ces règlements mettent les opérations nouvelles ou importantes dans la dépendance du gouvernement, et écartent, par conséquent, la concurrence des négociants trop peu riches pour avoir des protecteurs.

M. de Gournai mourut en 1759 ; et M. Turgot, s’intéressant à la gloire de son ami, qu’il croyait liée à l’intérêt public, rassembla des matériaux pour son éloge. Il y exposait avec clarté, avec précision, les principes de M. de Gournai, qui étaient devenus les siens ; et cet éloge, que M. Turgot regardait comme une simple esquisse, renferme l’exposition la plus simple et la plus complète des vrais principes qui prouvent l’utilité de la liberté d’industrie et de commerce, l’injustice de toute restriction, et donne en même temps un modèle de ce que devraient être ces hommages rendus aux morts, mais dont il faut que l’instruction des vivants soit le premier objet.

M. Turgot était destiné à devenir intendant ; et quelque soin qu’il eût pris pour rassembler toutes les connaissances dans lesquelles il pouvait entrevoir