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DISSERTATION SUR CETTE QUESTION

et les opinions qu’on y oppose, et voudront examiner le fondement de ces opinions. Ce fondement fragile tombera au premier choc, et l’édifice entier de la morale s’écroulera avec lui. C’est précisément à cet âge, où la raison n’est pas encore dans sa force, que la distinction entre les fondements qui ont appuyé la morale, et les principes mêmes de la morale, est très-difficile, et qu’il est presque impossil)le de distinguer, parmi les actions que l’éducation fait regarder comme criminelles, celles qui sont ou vraiment criminelles, ou indifférentes, ou même louables ; de substituer, dans l’ordie qu’il faut établir entie les mauvaises actions, un ordre fondé sur la nature, à un ordre fondé sur la superstition ; distinction nécessaire, non pour diriger ses actions (car il faut éviter toutes celles qui sont mauvaises), mais pour juger les autres hommes et traiter avec eux. Ainsi, pour préserver les enfants de quelques-unes des fautes de la jeunesse, on les expose à n’avoir jamais de morale, et à commettre tous les crimes de l’âge mûr.

Il existe un inconvénient plus dangereux encore : les erreurs qu’on veut inspirer à ses enfants, et que soi-même on a secouées, nous paraissent humiliantes ; on se cache d’autant plus mal de les avoir lejetées, qu’on serait honteux d’être soupçonné de les avoii- gardées ; l’enfant à peine libre, à peine livré à la société de ceux de son âge, apprendra donc, pour première leçon, que tous ses parents, que tous les honmiesqui ont voulu lui parler de ses devoirs, sont des menteurs et des hypociiles ; il sera tenté d’étendre, jusque sur leurs actions, celle fausseté (pi’il a