première, en effet, ne pounait étre décidée d’une manière différente de la nôtre par aucun philosophe. Il se pourrait tout au plus qu’un prêtre de Sammonocodon, hypocrite et sophiste, voulût prouver à un roi de Siam, que si les Siamois ne croyaient pas que Sammonocodon est venu sur la terre exprès pour leur apprendre qu’il ne faut pas se manger les uns les autres, ils se mangeraient sur-le-champ. Mais personne en Europe n’oserait faire de pareils raisonnements.
Les motifs erronés ont un inconvénient semblable à celui des faux principes ; c’est que si un homme qui est convaincu des vérités morales, n’y conforme ses actions que dans la vue de ces faux motifs, les principes raisonnables, les sentiments naturels qui portent à tenir une conduite juste, s’affaibliront nécessairement, et il sera exposé à n’avoir plus de morale, s’il découvre la fausseté de ces motifs erronés.
Ils ont encore un autre inconvénient, l’habitude de déraisonner ; plus l’objet sur lequel on déraisonne est important, plus on s’en occupe, plus les influences de cette habitude deviennent dangereuses. C’est surtout sur les objets analogues à celui sur lequel on déraisonne, ou que l’on y joint par habitude, que ce défaut s’étend le plus fortement et le plus vite. Il est donc bien difficile que l’homme qui se croit obligé de se conformer, dans sa conduite, à ce qu’il regarde comme des vérités utiles aux hommes, mais qui s’y croit obligé par des motifs erronés, raisonne bien juste sur ces vérités ; plus il sera attentif à ces