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DISSERTATION SUR CETTE QUESTION

ses opinions pour vraies, conclurait que toute opinion vraie est utile ; et comme sur les points les plus importants de la morale et de la politique, les hommes ont des opinions différentes, il en résulterait que tous, en paraissant du même avis sur l’objet proposé, seraient réellement d’avis contraires. Par exemple, un déiste et un athée conviendraient qu’il est utile de dire la vérité au peuple ; mais l’un, pour le prouver, montrerait que l’idée d’un Être suprême, conduisant presque infailliblement à la superstition, est une opinion dangereuse ; l’autre prétendrait prouver son opinion, en montrant que l’idée d’un Être suprême est nécessaire à la morale.

La question, comme nous la proposons ici, peut mériter d’être discutée ; et c’est même de la solution de cette première question que doit dépendre celle de toutes les autres. Nous allons essayer de la résoudre, en observant, dans tout le cours de ces recherches, de ne considérer aucune opinion particulière, ni comme vraie, ni comme fausse.

Nous entendons par vérité, ou un fait, ou une maxime générale résultant d’observations faites sur des faits, et nous ne considérons les vérités que d’après leur influence sur le bonheur des hommes.

Nous laisserons à part les vérités physiques. On a disputé sur le plus ou le moins d’utilité de ces vérités ; mais personne n’a jamais prétendu qu’elles pussent être dangereuses. Ceux même qui ont voulu détourner les hommes de s’en occuper, ont condamné seulement ou l’importance excessive attachée à l’étude de ces vérités, ou le mal qu’une demi--