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Vie de M. turgot.

impôts et de véritables injustices. Ces mêmes établissements seraient encore nuisibles, quand ils ne feraient que forcer le commerce à s’écarter de la route naturelle qu’il aurait suivie. L’intérêt général des commerçants et celui des consommateurs saura, bien mieux que le négociant le plus habile ou le législateur le plus éclairé, fixer les lieux, les temps, où ils doivent se rassembler pour leur avantage commun.

Dans l’article Fondation, M. Turgot montre que si des particuliers peuvent difficilement former des institutions, dont le plan s’accorde avec l’intérêt commun et le système général de l’administration, il est impossible qu’une fondation perpétuelle ne devienne à la longue d’une éternelle inutilité, si même elle ne finit par être nuisible. En effet, les changements inévitables dans les mœurs, dans les opinions, dans les lumières, dans l’industrie, dans les besoins des hommes, les changements non moins infaillibles dans l’étendue, la population, les richesses, les travaux d’une ville ou d’un canton, empêcheraient absolument l’homme le plus éclairé de son siècle de former, pour le siècle suivant, un établissement utile. Combien donc ces abus, que l’homme du sens le plus droit, de l’esprit le plus étendu, ne pourrait ni prévoir, ni prévenir, ne sont-ils pas plus dangereux et plus inévitables dans ces fondations qui sont presque toujours l’ouvrage de la vanité, d’une bienfaisance aveugle, du caprice, des préjugés et des vues les plus étroites et les plus fausses.

Après avoir montré combien les fondations per-