Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 5.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est très-malin, Monsieur ; il faut être bien habile maintenant pour soutenir le rôle d’hypocrite.

Piron, qui, malgré ses épigrammes et ses bons mots, était un très-bon homme, eut grand tort d’imaginer qu’une tragédie, qui avait eu quelque succès, lui donnait le droit d’être jaloux de M. de Voltaire ; mais vous deviez vous borner à dire que Piron s’était repenti de ses écarts. On lui a attribué plus que des propos. Vous connaissez, sans doute, une de ses épigrammes, que je n’ose transcrire, sur un protestant converti, à qui on veut faire baiser le crucifix, et qui finit par ce vers :

Faut-il encore avaler celui-là ?

Voici encore votre malheureuse indulgence pour les morts, qui fait un contraste si fâcheux avec votre sévérité pour les vivants. Pas un mot d’injure contre Saint-Gelais. Ce prêtre avait parié que, dans quelque moment qu’on le prît, il remplirait sur les mêmes rimes les vers qu’on lui proposerait. Son parieur s’approche de lui pendant qu’il disait la messe.

L’autre jour, venant de l’école,
Je rencontrai dame Nicole,
Laquelle était de vert vêtue.

Saint-Gelais répond sur-le-champ :

Ôtez-moi du cou cette étole,
Et si bientôt je ne l’accole,
J’aurai la gageure perdue.