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gré de je ne sais quels intérêts particuliers, vous vous exposez à faire croire, avec justice, que vous haïssez plus les gens de lettres que vous n’aimez la religion. Prenez garde, cela pourrait avoir des suites ; et si M. le grand aumônier savait que vous n’êtes qu’un hypocrite, vous n’auriez point de bénéfices.

Vous louez François Ier d’avoir donné une abbaye à Amyot pour la traduction du roman de Théagène et Caryclée ; d’un livre d’amour[1] ! Espérez-vous qu’on vous donnera aussi une abbaye, parce que vous avez rimé des contes scandaleux ? Ce n’est pas que François Ier n’ait fait d’ailleurs des choses très-louables ; par exemple, lorsqu’il donna à ses maîtresses le divertissement de voir brûler six protestants à petit feu.

Vous dites que d’Aubigné, grand-père de madame de Maintenon, était né pour la plaisanterie, et vous en donnez pour exemple la Confession catholique de Sanci, sans prémunir le lecteur contre cet ouvrage, plus abominable aux yeux de tout chrétien qu’aucun des livres contre lesquels vous vous déchaînez, ne pourrait-on pas dire que vous n’accusez les vivants que parce que vous pouvez leur nuire, et que vous respectez les morts, parce qu’il n’y a plus de mal à leur faire ?

Vous copiez M. de Voltaire, et vous dites que Baluze eut, pour le meilleur de ses ouvrages, une pension du roi et une place dans l’index[2]. Quoi ! Monsieur, vous regardez comme un honneur, pour

  1. Article Amyot.
  2. Article Baluze.