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19. MI' DE M. TURCtOT.

contre les rois, et aiguisant, au gré de son intérêt, tantôt le poignard du fanatisme, et tantôt la liache des bourreaux. Le sang de plusieurs millions d’hommes, massacrés au nom de Dieu, fume encore autour de nous. Partout la terre qui nous porte couvre les ossements des victimes d’une intolérance barbare. Une âme douce et sensible pouvait-elle n’avoir pas été révoltée de ces horribles tableaux ? Une âme pure et noble pouvait-elle ne pas être soulevée en voyant dans ces mêmes siècles l’esprit lium, ain dégradé par de honteuses superstitions, la morale corrompue, tous les principes des devoirs méconnus ou violés, et l’hypocrisie faisant avec audace, de l’art de tromper les hommes et de les abrutir, le seul moyen de les dominer et de les conduire ? Car tous ces attentats, éiigés en devoirs sacrés aux yeux des ignorants, étaient présentés aux politiques comme des crimes nécessaires au repos des nations ou à l’ambition de leurs souverains.

M. Turgot était dès lors trop éclairé pour ne voir que des abus dans ces conséquences nécessaires de toute religion qui, chargée de dogmes spéculatifs, fait dépendre le salut des hommes de leur croyance, regarde le hbre usage de la raison comme une audace coupable, et fait de ses prêtres les précepteurs des peuples et les juges de la morale. Il n’ignorait pas que, si les gouvernements de l’Europe pouvaient cesser d’être éclairés ; s’ils pouvaient oublier quelques instants de veiller sur les entreprises du clergé ; si tous les hommes qui ont reçu de l’éducation, qui ont des lumières, qui peuvent prétendre aux places.