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vie de m. turgot.

partie de la métaphysique, une subtilité, une précision d’idées, dont l’habitude, inconnue aux anciens, a contribué plus qu’on ne croit aux progrès de la bonne philosophie ; rétablissement d’une morale plus universelle, plus propre à rapprocher les hommes de tous les pays, fondée sur une fraternité générale entre tous les individus de l’espèce humaine, tandis que la morale païenne semblait tendre à les isoler, à ne rapprocher que les membres d’une même cité, et surtout ne s’occupait que de former des citoyens ou des philosophes, au lieu de former des hommes ; la destruction de l’esclavage domestique et de celui de la glèbe, qui est peut-être autant l’ouvrage des maximes du christianisme que de la politique des souverains, intéressés à créer un peuple pour le faire servir à l’abaissement des grands ; cette patience, cette soumission que le christianisme inspire, et qui, détruisant l’esprit inquiet et turbulent des peuples anciens, rendit les Étals chrétiens moins sujets aux orages, apprit à respecter les puissances établies, et à ne point sacrifier à l’amour, même légitime, de l’indépendance, la paix, le repos et la sûreté de ses frères : tels furent les principaux bienfaits du christianisme.

Ce n’est pas que M. Turgot se dissimulât ni les abus affreux du pouvoir ecclésiastique, qui avait changé la race humaine en un vil troupeau tremblant sous la verge d’un légat ou d’un pénitencier, ni les querelles sanglantes du sacerdoce et de l’empire, ni les funestes maximes du clergé, armant ici les rois contre leurs sujets, là soulevant les peuples