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Vie de M. Turgot


taires eussent un droit égal de concourir à la formation des lois, de régler la constitution des assemblées qui rédigent et promulguent ces lois, de leur donner la sanction par leur suffrage, et de changer, par une délibération régulière, la forme de toutes les institutions publiques. Partout où ces dioits n’existent pas d’une manière légale, il n’y a pas de république, mais une aristocratie plus ou moins vicieuse à laquelle on en a donné le nom : et on regardera comme les plus nuisibles au bonheur commun, celles où les hommes qui exercent l’autorité ont un intérêt contraire à l’intérêt général, parce qu’alors ce sont celles où volontairement on fait le plus de mal. Ensuite viennent celles qui opposent le plus d’obstacles aux lumières, oh il faut plus d’efforts et de temps pour ramener l’opinion publique à la vérité, celles où cette opinion publique a moins de puissance, celles enfin où il est le plus difficile de former et de suivre un plan régulier de réformation.

Le droit de contribuer avec égalité à la formation des lois est, sans doute, un droit essentiel, inaliénable et imprescriptible qui appartient à tous les propriétaires. Mais, dans l’état actuel des sociétés, l’exercice de ce droit serait presque illusoire pour la plus grande partie du peuple, et la jouissance libre

était pour ces États un moment de crise, et il était difficile d’en prévoir les suites. Même aujourd’hui, il le serait encore de prononcer sur leur avenir, puisque le sort de la liberté américaine est attaché à l’existence de l’aristocratie héréditaire et militaire, que les officiers de l’armée ont essayé d’établir sous le nom d’ordre de Cincinnatus.