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lO VIE DE M. TURGOT.

mais on adopte des sentiments différents de ceux de l’Église, ou de mentir à chaque instant de sa vie, ou de renoncer à beaucoup d’avantages, et peut-être de s’exposer à beaucoup de dangers. Et qui peut se répondre alors d’avoir le courage de remplir ce devoir ? Pourquoi s’exposer au malheur d’être réduit à choisir entre sa sûreté et sa conscience ? S’il croyait à la religion, était-il sûr d’y croire toujours ? pouvait-il se répondre d’en adopter toujours tous les dogmes ? et dès lors lui était-il permis de prendre l’engagement de les professer toute sa vie ?

M. Turgot fît sa licence, et fut prieur de Sorbonne, espèce de dignité élective, que les docteurs de la maison confèrent ordinairement à celui des bacheliers dont la famille a le plus d’éclat ou de crédit. Il était obligé, par cette place, de prononcer deux discours latins ; et ces ouvrages, faits en lySo par un jeune homme de aS ans, sont un monument vraiment singulier, moins encore par l’étendue des connaissances qu’ils supposent, que par une philosophie et des vues propres à l’auteur. On y trouve, pour ainsi dire, son esprit tout entier ; et il semble que la méditation et le travail n’ont fait depuis que le développer et le fortifier. Le premier de ces discours a pour objet l’utilité que le genre humain a retirée de la religion chrétienne., La conservation de la langue latine et d’une paitie des ouvrages des anciens ; l’étude de la scolastique, qui du moins préserva d’une stupidité absolue les États des barbares destructeurs de l’empire romain, et qui produisit dans la logique, comme dans la morale et dans une