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Vie de M. Turgot

IOq VIE DE M. TURGOT.

transmettre, de lecevoir la propriété ; assujettir à des règles communes celles des actions des hommes que dans l’état social le maintien des droits de chacun exige qu’on y soumette ; c’est là que finissent les droits de la société sur les individus. Le reste des lois ne peut avoir pour objet que de régler la manière dont la puissance publique doit exercer ses fonctions. La religion ne doit pas plus être l’objet des lois que la manière de s’habiller ou de se nourrir.

La société, en rapprochant les hommes les uns des autres, augmente l’influence de chacun sur le bonheur d’autrui ; et (juoique dans un sens rigoureux les devoirs puissent se réduire à la justice, c’est-à-dire, à ne violer aucun des droits naturels d’aucun autre homme, cependant il a dû naître de celte influence des devoirs d’une autre nature, qui consistent à diriger notre conduite de manière à contribuer au bonheur des autres. La récompense de ces vertus est au fond de notre cœur et dans la bienveillance de ceux qui nous entourent. Bien peu d’hommes sont appelés aux vertus publiques qui exigent de grands sacrifices. Dans un Etal soumis à des lois sages, larement ces vertus seraient nécessaires, et dans les autres elles sont encore plus rarement utiles. Ce sont donc les vertus domestiques, celles qui conviennent à tous les hommes, celles par lesquelles chacun influe sur le bien-être de ceux qui ont avec lui des relations particulières ; ce sont ces vertus qui, si elles étaient communes, contribueraient le plus au bonheur général d’une grande société.