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If)<J VIE DE M. TURGOT.

Le droit qua la société de punir les coupables, doit être regardé comme une condition des avantages que la société leur a procurés ; sans cela, il se bornerait, comme celui de la guerre, à ce qui est strictement nécessaire pour ôter à l’ennemi les moyens de nuire. Les peines ne sont légitimes qu’autant qu’elles n’excéderont pas ce qui paraîtra suffisant pour détourner du crime, dans le cas où il n’est commis que par des motifs communs à la plupart des individus ; et elles doivent, autant qu’il est possible, punir dans les mêmes passions qui les font commettre. Enfin, elles doivent être proportionnées aux crimes, c’est-à-dire diminuer et croître en même temps que l’importance du tort fait à l’individu qui en a été la victime, ou l’intérêt qu’a la société de les léprimer.

Mais il ne faut pas perdre de vue que la certitude de la punition fait plus d’impression sur celui qui est tenté de commettre des crimes, et donne un exemple plus propre à les prévenir, que la sévérité des lois et l’atrocité des supplices.

La forme des jugements doit être telle que tout homme de sang-froid et doué de raison puisse dire : rt Je consens à me soumettre à une législation où « l’on a pris toutes les précautions possibles pour « me mettre à l’abri du crime d’un autre ; qui, si « je suis accusé injustement, ne m’expose à aucun « danger sensible, à aucune gêne, à aucune privation inutile ; qui, enfin, si je suis coupable, ne « me fait éprouver qu’un traitement dont je sens « aujourd’hui la justice. »