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VIE DE VOLTAIRE.


de devoir à autrui. Le travail était pour lui une source inépuisable de jouissances ; et, pour que tous ses moments fussent heureux, il suffisait qu’ils fussent libres.

Jusqu’ici nous avons décrit la vie orageuse d’un poëte philosophe, à qui son amour pour la vérité, et l’indépendance de son caractère avaient fait encore plus d’ennemis que ses succès, qui n’avait répondu à leurs méchancetés que par des épigrammes, ou plaisantes ou terribles, et dont la conduite avait été plus souvent inspirée par le sentiment qui le dominait dans chaque circonstance, que combinée d’après un plan formé par sa raison.

Maintenant dans la retraite, éloigné de toutes les illusions, de tout ce qui pouvait élever en lui des passions personnelles et passagères, nous allons le voir abandonné à ses passions dominantes et durables, l’amour de la gloire, le besoin de produire, plus puissant encore, et le zèle pour la destruction des préjugés, la plus forte et la plus active de toutes celles qu’il a connues. Cette vie paisible, rarement troublée par des menaces de persécution plutôt que par des persécutions réelles, sera embellie, non-seulement comme ses premières années, par l’exercice de cette bienfaisance particulière, qualité commune à tous les hommes dont le malheur ou la vanité n’ont point endurci l’âme et corrompu la raison, mais par des actions de cette bienfaisance courageuse et éclairée, qui, en adoucissant les maux de quelques individus, sert en même temps l’humanité entière.