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VIE DE VOLTAIRE.


plaisirs ; mais il n’osa se fixer à Lyon. La conduite du cardinal l’avertissait qu’il n’était pas assez loin de ses ennemis.

Il passa par Genève pour consulter Tronchin. La beauté du pays, l’égalité qui paraissait y régner, l’avantage d’être hors de la France, dans une ville où l’on ne parlait que français, la liberté de penser plus étendue que dans un pays monarchique et catholique, celle d’imprimer, fondée, à la vérité, moins sur les lois que sur les intérêts du commerce, tout le déterminait à y choisir sa retraite.

Mais il vit bientôt qu’une ville où l’esprit de rigorisme et de pédantisme, apporté par Calvin, avait jeté des racines profondes ; où la vanité d’imiter les républiques anciennes, et la jalousie des pauvres contre les riches, avaient établi des lois somptuaires ; où les spectacles révoltaient à la fois le fanatisme calviniste et l’austérité républicaine, n’était pour lui un séjour ni agréable, ni sûr ; il voulut avoir, contre la persécution des catholiques, un asile sur les terres de Genève, et une retraite en France contre l’humeur des réformés, et prit le parti d’habiter alternativement d’abord Tourney, puis Ferney en France, et les Délices aux portes de Genève. C’est là qu’il fixa enfin sa demeure avec madame Denis, sa nièce, alors veuve et sans enfants, libre de se livrer à son amitié pour son oncle, et de reconnaître le soin paternel qu’il avait pris d’augmenter son aisance. Elle se chargea d’assurer sa tranquillité et son indépendance domestique, de lui épargner les soins fatigants du détail d’une maison. C’était tout ce qu’il était obligé