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VIE DE VOLTAIRE.

La liste des écrivains du siècle de Louis XIV est un ouvrage neuf. On n’avait pas encore imaginé de peindre ainsi, par un trait, par quelques lignes, des philosophes, des savants, des littérateurs, des poètes, sans sécheresse comme sans prétention, avec un goût sûr et une précision presque toujours piquante.

Cet ouvrage apprit aux étrangers à connaître Louis XIV, défiguré chez eux dans une foule de libelles, et à respecter une nation qu’ils n’avaient vue jusque-là qu’au travers des préventions de la jalousie et de la haine. On fut moins indulgent en France. Les esclaves par état et par caractère furent indignés qu’un Français eût osé trouver des faiblesses dans Louis XIV. Les gens à préjugés furent scandalisés qu’il eût parlé avec liberté des fautes des généraux, et des défauts des grands écrivains ; d’autres lui reprochaient, avec plus de justice à quelques égards, trop d’indulgence ou d’enthousiasme. Mais l’histoire d’un pays n’est jamais jugée avec impartialité que par les étrangers ; une foule d’intérêts, de préventions, de préjugés, corrompt toujours le jugement des compatriotes.

Voltaire passa près de deux années en Alsace. C’est pendant ce séjour qu’il publia les Annales de l’Empire, le seul des abrégés chronologiques qu’on puisse lire de suite, parce qu’il est écrit d’un style rapide, et rempli de résultats philosophiques exprimés avec énergie. Ainsi Voltaire a été encore un modèle dans ce genre, dont son amitié pour le président Hénault lui a fait exagérer le mérite et l’utilité.