Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 4.djvu/92

Cette page n’a pas encore été corrigée
78
VIE DE VOLTAIRE.


velle source à ses intarissables plaisanteries. De Leipsick, il va chez la duchesse de Saxe-Gotha, princesse supérieure aux préjugés, qui cultivait les lettres et aimait la philosophie. Il y commença pour elle ses Annales de l'Empire.

De Gotha il part pour Plombières, et prend la route de Francfort. Maupertuis voulait une vengeance : son cartel n’avait pas réussi, les libelles de la Beaumelle ne lui suffisaient pas. Ce malheureux second avait été forcé de quitter Berlin après une aventure ridicule, et quelques semaines de prison ; il s’était enfui de Gotha avec une femme de chambre qui vola sa maîtresse en partant ; ses libelles l’avaient fait chasser de Francfort ; et à peine arrivé à Paris, il s’était fait mettre à la Bastille. Il fallut donc que le président de l’Académie de Berlin cherchât un autre vengeur. Il excita l’humeur du roi de Prusse. La lenteur du voyage de Voltaire, son séjour à Gotha, un placement considérable sur sa tête et celle de madame Denis, sa nièce, fait sur le duc de Virtemberg, tout annonçait la volonté de quitter pour jamais la Prusse ; et Voltaire avait emporté avec lui le recueil des œuvres poétiques du roi, alors connu seulement des beaux esprits de sa cour.

On fit craindre à Frédéric une vengeance qui pouvait être terrible, même pour un poëte couronné ; au moins il était possible que Voltaire se crût en droit de reprendre les vers qu’il avait donnés, ou d’avertir de ceux qu’il avait corrigés. Le roi donna ordre à un fripon breveté qu’il entretenait à Francfort pour y acheter ou y voler des hommes, d'arrê-