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VIE DE VOLTAIRE.


Comme un amant, dans sa jalouse ardeur,
Rend le portrait de sa maîtresse.

Il ne soupirait qu’après la liberté ; mais, pour l’obtenir, il ne suffisait pas qu’il eût renvoyé ce qu’il avait d’abord appelé de magnifiques bagatelles, mais qu’il ne nommait plus que les marques de sa servitude. Il écrivait de Berlin, où il était malade, pour demander une permission de partir. Le roi de Prusse, qui ne voulait que l’humilier et le conserver, lui envoyait du quinquina, mais point de permission. Il écrivait qu’il avait besoin des eaux de Plombières ; on lui répondait qu’il y en avait d’aussi bonnes en Silésie.

Enfin, Voltaire prend le parti de demander à voir le roi : il se flatte que sa vue réveillera des sentiments qui étaient plutôt révoltés qu’éteins. On lui renvoie ses anciennes breloques. Il court à Potsdam, voit le roi ; quelques instants suffisent pour tout changer. La familiarité renaît ; la gaieté reparaît, même aux dépens de Maupertuis, et Voltaire obtint la permission d’aller à Plombières, mais en promettant de revenir ; promesse peut-être peu sincère, mais aussi obligeait-elle moins qu’une parole donnée entre égaux ; et les cent cinquante mille hommes qui gardaient les frontières de la Prusse, ne permettaient pas de la regarder comme faite avec une entière liberté.

Voltaire se hâta de se rendre à Leipsick, où il s’arrêta pour réparer ses forces, épuisées par cette longue persécution. Maupertuis lui envoie un cartel ridicule, qui n’a d’autre effet que d’ouvrir une nou-