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VIE DE VOLTAIRE.


quoiqu’il se fût permis quelquefois de le plaisanter pendant son séjour en France. Il n’aimait pas Maupertuis, et haïssait la persécution, sous quelque forme qu’elle tourmentât les hommes : il prit donc ouvertement le parti de Kœnig, et publia quelques ouvrages où la raison et la justice étaient assaisonnées d’une plaisanterie fine et piquante. Maupertuis intéressa l’amour-propre du roi à l’honneur de son Académie, et obtint de lui d’exiger de Voltaire la promesse de ne plus se moquer ni d’elle, ni de son président. Voltaire le promit. Malheureusement le roi, qui avait ordonné le silence, se crut dispensé de le garder. Il écrivit des plaisanteries qui se partageaient, mais avec un peu d’inégalité, entre Maupertuis et Voltaire. Celui-ci crut que, par cette conduite, le roi lui rendait sa parole, et que le privilège de se moquer seul des deux partis ne pouvait être compris dans la prérogative royale. Il profita donc d’une permission générale, anciennement obtenue, pour faire imprimer la Diatribe d'Akakia, et dévouer Maupertuis à un ridicule éternel.

Le roi rit ; il aimait peu Maupertuis, et ne pouvait l’estimer ; mais, jaloux de son autorité, il fit brûler cette plaisanterie par le bourreau : manière de se venger qu’il est assez singulier qu’un roi philosophe ait empruntée de l’inquisition.

Voltaire, outragé, lui renvoya sa croix, sa clef et le brevet de sa pension, avec ces quatre vers :

Je les reçus avec tendresse,
Je les renvoie avec douleur,