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VIE DE VOLTAIRE.


sa dignité de président d’Académie en fût compromise.

Maupertuis avait besoin de secours : il venait d’avancer un nouveau principe de mécanique, celui de la moindre action. Ce principe, à qui l’illustre Euler faisait l’honneur de le défendre, en même temps qu’il en apprenait à l’auteur même toute l’étendue et le véritable usage, essuya beaucoup de contradictions. Kœnig non-seulement le combattit, mais il prétendit de plus qu’il n’était pas nouveau, et cita un fragment d’une lettre de Leibnitz, où ce principe se trouvait indiqué. Maupertuis, instruit par Kœnig même qu’il n’a qu’une copie de la lettre de Leibnitz, imagine de le faire sommer juridiquement, par l’Académie de Berlin, de produire l’original. Kœnig mande qu’il tient sa copie du malheureux Hienzi, décapité longtemps auparavant, pour avoir voulu délivrer les habitants du canton de Berne de la tyrannie du sénat. La lettre ne se trouva plus dans ce qui pouvait rester de ses papiers ; et l’Académie, moitié crainte, moitié bassesse, déclara Kœnig indigne du titre d’académicien, et le fit rayer de la liste. Maupertuis ignorait apparemment que l’opinion générale des savants peut seule donner ou enlever les découvertes, mais qu’il faut qu’elle soit libre et volontairement énoncée ; et qu’une forme solennelle, en la rendant suspecte, peut lui ôter son autorité et sa force.

Voltaire avait connu Kœnig chez madame du Châtelet, à laquelle il était venu donner des leçons de leibnitzianisme : il avait conservé de l’amitié pour lui,