n’est pas difficile en preuves. Le roi, pour punir son
ami d’avoir voulu conserver son bien et sa liberté,
fait semblant de le croire coupable, a l’air de l’abandonner, et l’exclut même de sa présence jusqu’à la
fin du procès. Voltaire s’adresse à Maupertuis, dont
la haine ne s’était pas encore manifestée, et le prie
de prendre sa défense auprès du chef de ses juges.
Maupertuis le refuse avec hauteur. Voltaire s’aperçoit
qu’il a un ennemi de plus. Enfin ce ridicule procès
eut l’issue qu’il devait avoir : le juif fut condamné,
et Voltaire lui fit grâce. Alors le roi le rappelle
auprès de lui, et ajoute à ses anciennes bontés
de nouvelles marques de considération, telle que la
jouissance d’un petit château près de Potsdam.
Cependant la haine veillait toujours, et attendait ses moments. La Beaumelle, né en Languedoc d’une famille protestante, d’abord apprenti ministre à Genève, puis bel esprit français en Danemark, renvoyé bientôt de Copenhague, vint chercher fortune à Berlin, n’ayant pour titre de gloire qu’un libelle qu’il venait de publier. Il va chez Voltaire, lui présente son livre, où Voltaire lui-même est maltraité, où La Beaumelle compare aux singes, aux nains qu’on avait autrefois dans certaines cours, les beaux esprits appelés à celle de Prusse, parmi lesquels il venait lui-même solliciter une place. Cette ridicule étourderie fut un moment l’objet des plaisanteries du souper du roi. Maupertuis rapporta ces plaisanteries à La Beaumelle, en chargea Voltaire seul, lui fit un ennemi irréconciliable, et s’assura d’un instrument qui servirait sa haine par de honteux libelles, sans que