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VIE DE VOLTAIRE.


formules, si l’on ne peut en inventer, et entasser des paradoxes quand on n’a point d’idées neuves. On l’avait vu à Paris sortir de la chambre, ou se cacher derrière un paravent, quand un autre occupait la société plus que lui ; et à Berlin, comme à Paris, il eût voulu être partout le premier, à l’Académie des sciences comme au souper du roi. Il devait à Voltaire une grande partie de sa réputation, et l’honneur d’être le président perpétuel de l’Académie de Berlin, et d’y exercer la prépondérance sous le nom du prince.

Mais quelques plaisanteries échappées à Voltaire sur ce que Maupertuis, ayant voulu suivre le roi de Prusse à l’armée, avait été pris à Molwitz, l’aigrirent contre lui ; et il se plaignit avec humeur. Voltaire lui répondit avec amitié, et l’apaisa en faisant quatre vers pour son portrait. Quelques années après, Maupertuis trouva très-mauvais que Voltaire n’eût point parlé de lui dans son discours de réception à l’Académie française ; mais l’arrivée de Voltaire à Berlin acheva de l’aigrir. Il le voyait l’ami du souverain dont il n’était parvenu qu’à devenir un des courtisans, et donner des leçons à celui dont il recevait des ordres. Voltaire, entouré d’ennemis, se défiant de la constance des sentiments du roi, regrettait en secret son indépendance, et cherchait à la recouvrer. Il imagine de se servir d’un juif pour faire sortir du Brandebourg une partie de ses fonds. Ce juif trahit sa confiance ; et, pour se venger de ce que Voltaire s’en est aperçu à temps et n’a pas voulu se laisser voler, il lui fait un procès absurde, sachant que la haine