nations, et faisait le Poëme de la Loi naturelle, tandis que Frédéric gouvernait ses États sans ministres, inspectait et perfectionnait son armée, faisait des vers,
composait de la musique, écrivait sur la philosophie et
sur l’histoire. La famille royale protégeait les goûts de
Voltaire ; il adressait des vers aux princesses, jouait
la tragédie avec les frères et les sœurs du roi ; et,
en leur donnant des leçons de déclamation, il leur
apprenait à mieux sentir les beautés de notre poésie ;
car les vers doivent être déclamés, et on ne peut
connaître la poésie d’une langue étrangère, si on n’a
point l’habitude d’entendre réciter les vers par des
hommes qui sachent leur donner l’accent et le mouvement
qu’ils doivent avoir.
Voilà ce que Voltaire appelait le palais d’Alcine ; mais l’enchantement fut trop tôt dissipé. Les gens de lettres appelés plus anciennement que lui à Berlin furent jaloux d’une préférence trop marquée, et surtout de cette espèce d’indépendance qu’il avait conservée, de cette familiarité qu’il devait aux grâces piquantes de son esprit, et à cet art de mêler la vérité à la louange, et de donner à la flatterie le ton de la galanterie et du badinage.
La Métrie dit à Voltaire que le roi, auquel il parlait un jour de toutes les marques de bonté dont il accablait son chambellan, lui avait répondu : J’en ai encore besoin pour revoir mes ouvrages ; on suce l’orange, et on jette l'écorce. Ce mot désenchanta Voltaire, et lui jeta dans l’âme une défiance qui ne lui permit plus de perdre de vue le projet de s’échapper. En même temps on dit au roi que Voltaire avait