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VIE DE VOLTAIRE.

tion ; il n’aurait pu faire paraître aucun ouvrage sans être sûr que la malignité y chercherait un prétexte pour l’accuser d’impiété, ou le rendre odieux au gouvernement. Madame de Pompadour avait oublié leur ancienne liaison, dans une place où elle ne voulait plus que des esclaves. Elle ne lui pardonnait point de n’avoir pas souffert, avec assez de patience, les préférences accordées à Crébillon. Louis XV avait pour Voltaire une sorte d’éloignement. Il avait flatté ce prince plus qu’il ne convenait à sa propre gloire ; mais l’habitude rend les rois presque insensibles à la flatterie publique. La seule qui les séduise est la flatterie adroite des courtisans, qui, s’exerçant sur les petites choses, se répète tous les jours et sait choisir ses moments ; qui consiste moins dans des louanges directes que dans une adroite approbation des passions, des goûts, des actions, des discours du prince. Un demi-mot, un signe, une maxime générale qui les rassure sur leurs faiblesses ou sur leurs fautes, font plus d’effet que les vers les plus dignes de la postérité. Les louanges des hommes de génie ne touchent que les rois qui aiment véritablement la gloire.

On prétend que Voltaire s’étant approché de Louis XV après la représentation du Temple de la Gloire, où Trajan, donnant la paix au monde après ses victoires, reçoit la couronne refusée aux conquérants, et réservée à un héros ami de l’humanité, et lui ayant dit, Trajan est-il content ? le roi fut moins flatté du parallèle que blessé de la familiarité.

M. d’Argenson n’avait pas voulu prêter à Voltaire