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VIE DE VOLTAIRE.


sa sûreté ; il croyait qu’il trouverait dans l’Académie un appui contre la persécution ; et c’était présumer trop du courage et de la justice de ses confrères.

Dans son discours à l’Académie, il secoua le premier le joug de l’usage qui semblait condamner ces discours à n’être qu’une suite de compliments, plus encore que d’éloges. Voltaire osa parler dans le sien de littérature et de goût ; et son exemple est devenu, en quelque sorte, une loi dont les académiciens gens de lettres osent rarement s’écarter. Mais il n’alla point jusqu’à supprimer les éternels éloges de Richelieu, de Séguier et de Louis XIV ; et jusqu’ici deux ou trois académiciens seulement ont eu le courage de s’en dispenser. Il parla de Crébillon, dans ce discours, avec la noble générosité d’un homme qui ne craint point d’honorer le talent dans un rival, et de donner des armes à ses propres détracteurs.

Un nouvel orage de libelles vint tomber sur lui, et il n’eut pas la force de les mépriser. La police était alors aux ordres d’un homme qui avait passé quelques mois à la campagne avec madame de Pompadour. On arrêta un malheureux violon de l’Opéra, nommé Travenol, qui, avec l’avocat Rigoley de Juvigny, colportait ces libelles. Le père de Travenol, vieillard de quatre-vingts ans, va chez Voltaire demander la grâce du coupable : toute sa colère cède au premier cri de l’humanité. Il pleure avec le vieillard, l’embrasse, le console, et court avec lui demander la liberté de son fils.

La faveur de Voltaire ne fut pas de longue durée. Madame de Pompadour fit accorder à Crébillon